Bernard Bouilliard : « Moins d’azote minéral, plus de matière organique »

Agriculteur intéressé par la démarche du projet Syppre, Bernard Bouilliard a diversifié son assolement en Champagne crayeuse. Il a abandonné le labour au profit du travail simplifié, et misé sur la fertilisation organique grâce à la méthanisation. Son système est économe en main d’œuvre, en azote minéral et en mécanisation.

Bernard Bouilliard exploite 183 hectares en EARL avec son épouse à Vaucogne, près d’Arcis-sur-Aube (Aube), « en terre de Champagne pouilleuse devenue crayeuse » au fil du temps depuis les années 1950. Il s’installe en 1991 à la veille de la première réforme de la PAC sur des sols superficiels (10 à 15 cm de terre) qui ravinent au premier orage ou qui provoquent un déchaussement des céréales. Très vite, Bernard s’interroge : « Pourquoi continuer à labourer ? » Dans tous les cas, pas derrière pois ou betterave. « J’étais convaincu qu’il ne fallait plus détasser le sol pour ne pas avoir à le retasser ».

Conséquence : il n’a plus de charrue depuis 1995 et il ne pratique jamais plus de travail du sol profond. Il réalise à présent un travail minimum superficiel sur 8 à 10 cm de profondeur, mais régulièrement et en plusieurs passages (déchaumeur à dents ou à disques) si nécessaire. « Je fais partie d’une CUMA, précise Bernard, ce qui facilite l’opération : on a tout le matériel qu’il faut, et on prend celui qui convient le mieux ». Il réalise ensuite un semis simplifié. « On doit cependant apprendre à gérer les adventices », ajoute Bernard. Au fil du temps, il a diversifié son assolement : blé/colza/légumineuses (trèfle violet porte-graine) / pois / féverole / blé / escourgeon / orge de printemps / maïs grain et… quelques hectares de miscanthus.

Méthanisation

Par ailleurs, Bernard Bouilliard a monté un atelier naisseur-engraisseur de 500 truies avec d’autres agriculteurs en 1993. Il épandait déjà du lisier pour améliorer le taux de matière organique du sol. Mais il franchit un pas supplémentaire en 2009 en créant une unité de méthanisation de 250 Kwh qui valorise, outre le lisier, des coproduits de sucrerie et d’industries agro-alimentaires. Aujourd’hui, le digestat lui apporte 80 % d’azote ammoniacal, les unités d’azote sont disponibles à 100 %, les unités de P et K sont assimilables immédiatement, elles provoquent un effet starter sur la plante au printemps. « La méthanisation me fait gérer la fertilisation organique comme la fertilisation minérale », résume Bernard. Il poursuit : « Je ne connais plus le prix des unités P et K depuis plusieurs années ! » Tout au plus, complète-t-il avec un peu d’azote minéral le colza et le blé en végétation. « Avec 25 ans de pratique de la matière organique, mes cultures sont mieux préparées à résister aux stresses hydriques ».

Bernard implante deux types de couvert : des CIPAN destinées à être enfouies et des couverts à vocation énergétique. Radis, moutarde, sorgho, tournesol, phacélie… Il fait des mélanges et recherche l’effet désherbant du couvert, il les soigne. Il capte le maximum de biomasse avec les couverts énergétiques.

Le raisonnement de Bernard Bouilliard se concrétise au plan économique. « Je fais partie d’un groupement d’employeurs, mon exploitation est peu gourmande en main d’œuvre. J’ai convaincu des collègues agriculteurs d’adhérer à la CUMA pour baisser les charges de mécanisation. Je pratique le travail du sol simplifié, je valorise les effluents d’élevage pour ne rien gaspiller. Tout cela me permet d’optimiser les charges, pour maintenir les marges ». Et d’ajouter : « Je suis du genre radin : tout ce qui n’est pas dépensé est autant de gagné ». Tout s’enchaîne : « J’ai pu baisser les densités de semis – 220 grains pour le blé, 270 pour l’escourgeon ou l’orge de printemps. Je n’utilise plus de régulateurs, je fais deux fongicides au maximum sur blé ». Les résultats sont là, avec des rendements qui se situent dans la fourchette haute pour la région.

Grain de folie

Bernard Bouilliard découvre le projet Syppre en côtoyant la plateforme située à Terralab. Il fait partie du réseau « Auto’N » constitué de 7 exploitations de la grande région champenoise qui travaillent pendant 5 ans sur l’autonomie azotée en situation réelle. Il est également adhérent d’un GDA, et il est suivi par ses différentes coopératives Scara, Vivescia, Cristal Union et Tereos. « La démarche de Syppre est intéressante, et j’ai été invité à y adhérer. On a toujours quelque chose à apprendre. Je trouve d’ailleurs qu’on est trop monotone dans nos raisonnements et qu’il nous manque parfois ce petit grain de folie qui fait qu’on peut avoir des idées loufoques. A charge pour un projet comme Syppre de les valider ». Il est prêt à consacrer une petite part de son exploitation pour faire des essais complémentaires.

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