Gestion des couverts végétaux : les enseignements de la campagne

La réussite des couverts végétaux demeure un élément important pour atteindre des objectifs d’amélioration de la fertilité des sols de la plateforme Syppre Berry : apport de carbone labile et minéralisation d’éléments minéraux, développement de la vie biologique et amélioration de la structure du sol par les racines. Cependant, la gestion de l’interculture avant une culture de printemps reste un compromis entre les différents objectifs des couverts végétaux : atteindre un bon niveau de biomasse et gérer efficacement les graminées adventices, sans impacter la réussite de la culture de printemps. Retour sur les principaux éléments à retenir à la sortie de l’hiver.

Le raisonnement du choix des couverts végétaux

Le choix du mélange des couverts doit se faire en tenant compte de différents paramètres, mais il doit s’inscrire dans la globalité de la gestion de l’interculture, selon certains critères, et dans un ordre bien précis :

  1. Les travaux de sol prévus pour l’implantation de la culture suivante : après avoir réalisé un diagnostic de la structure des sols avant la récolte des céréales, un travail de sol par fissuration s’est avéré nécessaire pour assurer le bon enracinement de la culture de printemps suivante. Compte tenu des caractéristiques argileuses des sols de la plateforme et des conditions favorables d’humidité des sols après la moisson, il a été choisi de fissurer les sols avant l’implantation des couverts végétaux. Les espèces contenues dans le couvert doivent donc pouvoir se développer sur la période été – automne, avec une date de semis intermédiaire (courant août) pour permettre le travail du sol en bonnes conditions avant semis.
  2. Les objectifs de gestion des graminées adventices : la mise en place de cultures de printemps a pour objectif principal d’abaisser la pression des vulpins et des ray-grass dans les parcelles. De ce fait, l’interculture doit permettre de contrôler le plus efficacement possible ces graminées, notamment grâce à l’utilisation du glyphosate. Pour certaines cultures comme le tournesol, l’objectif est de pouvoir implanter la céréale suivante en semis direct. Compte tenu de la réglementation sur l’utilisation du glyphosate, celui-ci doit être positionné avant le 31/12 afin de pouvoir l’utiliser à nouveau avant le semis direct de la céréale suivant le tournesol.
  3. La période et le mode de destruction du couvert végétal : compte tenu de la nécessité d’utiliser le glyphosate à certaines périodes clés, il est donc important de rendre accessible les graminées afin de maximiser les chances de les détruire. En fonction de la biomasse du couvert, une destruction mécanique anticipée peut se justifier avant de réaliser l’application du glyphosate. Le choix du couvert doit donc permettre un compromis entre biomasse et facilité de destruction des adventices.
  4. Les objectifs agronomiques en lien avec les problématiques de la plateforme Syppre Berry : une fois que les périodes de semis et de destruction ont été identifiées, il ne reste plus qu’a construire le mélange des espèces du couvert végétal selon d’autres critères de choix :
  • Avoir un mélange avec un C/N faible compte tenu de la faible minéralisation en azote du sol pour assurer une libération rapide de l’azote lors de la décomposition des résidus;
  • Avoir des espèces légumineuses qui permettront d’apporter de l’azote dans le sol et réduire au maximum l’apport d’azote pour la culture de printemps, en tenant compte des légumineuses; présentes dans la rotation (pois et lentilles) pour éviter l’augmentation du risque maladies (choix d’espèces et variétés non sensibles à aphanomycès);
  • Favoriser la production de biomasse en choisissant des espèces complémentaires et productives avec une densité de plantes optimale;
  • Favoriser la prospection et la structuration du sol par des systèmes racinaires complémentaires, sur l’horizon 0-20cm;
  • Utiliser des espèces relais pour maintenir un système racinaire vivant et actif durant la période hivernale, pour les implantations de millet plus tardives au printemps, ne nécessitant pas l’utilisation de glyphosate avant l’hiver.

Des biomasses très variables en fonction de la concurrence des graminées adventices

Compte tenu des différents paramètres de choix du mélange développés ci-dessus, le couvert végétal qui a été implanté est composé du mélange suivant (60€/ha hors féverole) :

  • Seigle fourrager : 10kg/ha
  • Moutarde d’abyssinie : 3kg/ha
  • Radis chinois : 0,5kg/ha
  • Phacélie : 2kg/ha
  • Trèfle d’Alexandrie : 2kg/ha
  • Trèfle incarnant : 4kg/ha
  • Féverole : 60kg/ha

Couvert végétal implanté sur la plateforme Syppre- Crédit : M.Loos-Terres Inovia

Ce mélange a été semé pour les modalités qui seront en cultures de printemps, avec un précédent céréales à paille (T1 et I1 en tournesol, I9 en millet). Une autre modalité qui sera semée en tournesol derrière un millet n’a pas eu de couverts entre la récolte du millet en septembre et le semis du tournesol au printemps prochain. Les couverts ont été semés le 9 août 2022 après le travail du sol profond, mais qui avait maintenu une certaine fraicheur au-delà de 5cm de profondeur. Les couverts ont réussi à lever courant août malgré peu de précipitations et des températures chaudes, mais ils ont profité des conditions chaudes et humides à partir de début septembre pour pousser de manière significative. Ils ont bénéficié de près de 250mm de pluie entre le semis et la destruction qui s’est faite par broyage le 1er décembre. La croissance s’est principalement faite sur septembre et octobre, avec des précipitations régulières et des températures maxi entre 25 et 30°C.

Le graphique ci-dessus représente les biomasses des couverts en de MS/ha juste avant leur destruction, selon les différentes modalités. Ce dernier permet d’observer la variation des valeurs de biomasse entre les différents blocs pour une même modalité, avec des valeurs moyennes qui sont comprises entre presque 2 et 3t de MS/ha. Les variations peuvent s’expliquer par différents paramètres :

  • La modalité I1 qui a la plus faible valeur moyenne de biomasse (1,9t de MS/ha) présente une très forte pression en ray-grass qui ont levé très peu de temps après les couverts. La croissance automnale des couverts s’est faite en concurrence avec la croissance des graminées, limitant fortement la biomasse selon les différences de salissement entre les blocs (entre 1,6 et 2t de MS/ha).
  • La modalité T1 présente quant à elle une pression forte mais en vulpin, qui ont levé beaucoup plus tardivement que les ray-grass, permettant aux couverts de prendre le dessus sur les graminées avec une valeur de biomasse moyenne correcte (2,5t de MS/ha).
  • La modalité I9 qui possède la valeur de biomasse moyenne la plus forte (2,9t de MS/ha) présente la pression la plus faible en vulpin, qui a permis de limiter la concurrence adventice. Sur cette plus forte valeur de biomasse se cache un écart plus important entre les blocs (de 2,5 à 3,6t de MS/ha), en la faveur du bloc le plus sableux qui a montré une meilleure qualité de semis et de densité de plantes levées.
  • A noter que les modalités n’ont pas les mêmes précédents : blé tendre pour la I9 et orge d’hiver pour les modalités I1 et T1. La concurrence des repousses de céréales n’a pas eu le même impact entre le blé et l’orge en lien avec l’épisode de grêle avant la récolte, et ceux malgré et destruction mécanique des repousses avant le semis des couverts.

En ce qui concerne les teneurs en azote contenue dans la MS des couverts, elles sont relativement stables entre les modalités, étant comprises entre 19 et 22g/kg de MS. En faisant la corrélation avec les différentes quantités de MS des modalités, le graphique ci-dessous donne une estimation de la quantité d’azote totale contenue les parties aériennes, avec des valeurs comprises entre 40 et 60kg/ha en moyenne.

La technique du couvert relais en un seul semis montre ses preuves

Parmi les espèces qui composent le mélange, le seigle et le trèfle incarnat ont été choisi pour permettre de maintenir des espèces vivantes durant la phase hivernale après le broyage, tout en effectuant qu’un seul semis en août pour éviter le re-semis d’un couvert relais en septembre-octobre. Le broyage a permis de détruire les autres espèces qui avaient rempli leur mission, et de permettre au seigle et au trèfle d’avoir accès à de bonnes conditions lumineuses pour rester en place et prendre le relais en sortie d’hiver. L’intérêt de ces espèces relais reste uniquement pour les cultures comme le millet sur lesquelles l’utilisation du glyphosate n’est pas faite en entrée d’hiver, mais décalée à fin mars, pour une implantation réalisée la 1ère quinzaine de mai.

Après près de deux mois après le broyage, et malgré des températures douces en décembre, la répartition du seigle mais surtout du trèfle, reste très hétérogène et aléatoire selon la croissance et la concurrence des autres espèces du couvert et des graminées adventices. Les photos ci-dessous montrent bien les effets de concurrence lorsque la moutarde d’abyssinie s’est retrouvée en trop grande proportion dans le mélange, cumulée à la pression des graminées et notamment du ray-grass. De même, les très fortes biomasses de couvert n’ont pas permis au trèfle de se développer correctement. Il a cependant parfaitement joué son rôle dans les modalités avec une biomasse de couvert moyenne (2,5t de MS/ha). Dans ces zones de colonisation du trèfle, des nouvelles mesures seront réalisées afin d’estimer le gain de biomasse entre le broyage du couvert début décembre et la destruction définitive avant l’application du glyphosate mi-mars.

Optimiser et adapter le mélange de couverts végétaux pour l’été 2023

Ces différents enseignements vont être intégrés pour optimiser la composition du prochain mélange de couverts végétaux et permettre d’adapter encore mieux le choix des différentes espèces. Voici donc les évolutions qui seront apportées pour les semis de couverts végétaux lors de l’été 2023 :

  • Avant tournesol : destruction précoce du couvert pour utilisation de glyphosate avant le 31/12
    • Sorgho fourrager 6 à 8kg/ha à la place du seigle fourrager (faible développement du seigle et couvert relais inutile);
    • Crucifères 1,5kg/ha au total (0,5kg/ha moutarde d’abyssinie + 0,5kg/ha de radis chinois + 0,5kg/ha de moutarde brune vitasso) pour limiter la concurrence avec une densité plus faible (environ 30 pieds/m²)A
    • Trèfle d’alexandrie 4kg/ha solo en remplacement du mélange avec le trèfle incarnat (couvert relais inutile);
    • Phacélie 1 kg/ha;
    • Féverole 70kg/ha.
    • Coût estimé : 45€/ha sans la féverole
  • Avant millet : destruction plus tardive du couvert pour utilisation du glyphosate au 15/03
    • Seigle fourrager 10kg/ha (couvert relais après broyage);
    • Crucifères 1,5kg/ha au total (0,5kg/ha moutarde a+ 0,5kg/ha de radis chinois + 0,5kg/ha de moutarde brune vitasso) pour limiter la concurrence avec une densité plus faible (environ 30 pieds/m²);
    • Trèfle d’Alexandrie 2kg/ha;
    • Trèfle incarnant 4kg/ha;
    • Phacélie 1 kg/ha;
    • Féverole 70 kg/ha;
    • Coût estimé : 55€/ha sans féverole.

Même si l’été et l’automne 2022 ont été relativement favorables à la croissance et à la réussite des couverts végétaux semés autour du 15 août, les niveaux de biomasses moyens des parcelles de la plateforme Syppre Berry restent en dessous de ce que certaines parcelles ont pu réussir à produire, pour des mélanges pouvant atteindre plus de 5t de MS/ha. Le travail du sol qui a été nécessaire a provoqué la mise en germination des graminées adventices pénalisant la croissance des espèces, et à certainement ralenti le démarrage des couverts par un assèchement des horizons de surface du sol. Si le travail du sol n’est pas nécessaire et que la structure de sol le permet, les semis de couverts végétaux seront effectués en direct au semoir à dents, afin de favoriser la croissance et la biomasse des couverts et de limiter les levées d’adventices.

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