Gestion des implantations des cultures de printemps : réussir à s’adapter aux conditions climatiques pour semer sur un sol propre

Différence de l’efficacité du glyphosate sur ray-grass et vulpins.

La mise en place de cultures de printemps a pour objectif principal d’abaisser la pression des vulpins et des ray-grass dans les parcelles de la plateforme Syppre Berry. La gestion de l’interculture entre la destruction des couverts végétaux et l’implantation de la culture de printemps doit permettre de contrôler le plus efficacement possible ces graminées, mais également d’obtenir un lit de semence de qualité. Retour sur les principaux éléments à retenir, dans un contexte climatique printanier d’alternance d’épisodes pluvieux entre la sortie d’hiver et les semis, sur des sols à plus de 30% d’argile.

Des réussites contrastées des applications de glyphosate en entrée d’hiver

Pour la campagne 2023, plusieurs modalités sont implantées en cultures de printemps :

  • Système innovant :
    • Tournesol après orge d’hiver avec présence d’un couvert végétal durant l’interculture
    • Tournesol après millet sans couvert végétal durant l’interculture
    • Millet après blé tendre avec présence d’un couvert végétal durant l’interculture
  • Système témoin :
    • Tournesol après orge d’hiver avec présence d’un couvert végétal durant l’interculture

Sur les modalités en tournesol, l’objectif est de pouvoir implanter la céréale suivante en semis direct, si les conditions de structure du sol sont favorables. Pour ce faire, compte tenu de la réglementation sur l’utilisation du glyphosate, celui-ci doit être positionné avant le 31/12 afin de pouvoir l’utiliser à nouveau avant le semis direct de la céréale suivant le tournesol à l’automne d’après. Ainsi, dans les deux modalités prévues en tournesol et pour lesquelles un couvert végétal a été implanté en août dernier après un travail de sol profond (16cm), une application de glyphosate a été réalisée à la mi-décembre après broyage du couvert, afin de détruire les graminées adventices. Si les vulpins de la modalité de tournesol du système témoin ont été détruits à 100% par l’application de glyphosate, il n’en a pas été de même pour les ray-grass présents dans la modalité de tournesol du système innovant. Leur forte densité selon les parcelles, cumulée à une forte couverture des feuilles, explique l’efficacité réduite de l’application de glyphosate, celui-ci n’ayant pas pu toucher toutes les plantes (cf. photo n°1 et photo n°2). Ces repiquages de ray-grass sont gérés par une destruction mécanique en sortie d’hiver, en multipliant les passages d’outils à pattes d’oie avant le semis du tournesol.

Le glyphosate n’a pas été utilisé dans la modalité de tournesol après millet, dû à l’absence de graminées, et à la gestion des dicotylédones par des travaux de sol successifs après la récolte du précédent.

Des conditions météorologiques favorables au travail du sol précoce en sortie d’hiver, mais délicates au début du printemps

Comme le montre le graphique ci-dessus, avec un cumul de pluie de plus de 360mm entre le 20/12/22 et le 20/05/23, plusieurs périodes se distinguent par leurs conditions d’humidité et de reprise des sols :

  • Entre le 20/12/22 et le 20/01/23 : période avec un cumul de pluie de près de 160mm.
  • Entre le 20/01 et le 20/02/23 : période avec un arrêt des précipitations et une remontée des températures qui permettent aux sols argileux de la plateforme de commencer à se ressuyer. Cependant, les repiquages de ray-grass maintiennent localement l’humidité par leur système racinaire. Un 1er travail du sol est déclenché le 19 février pour tenter de « bousculer » les graminées et ouvrir le sol pour favoriser un ressuyage plus rapide lors des prochaines séquences de temps séchant. Les parcelles prévues en millet ne sont pas encore touchées.

Entre le 20/02 et le 15/03 : période avec 2 séquences de pluie autour du 22 février et du 10 mars, d’un cumul de 40mm, qui maintiennent « vivants » les repiquages de ray-grass. Les sols maintiennent une certaine humidité qui empêche le passage d’un outil à pattes d’oie pour scalper les graminées et les détruire mécaniquement. Cependant, ces conditions pluvieuses à la suite du travail du sol d’ouverture ont permis de réaliser des nouvelles levées de vulpins et de ray-grass, qui seront à détruire avant le semis du tournesol (cf. photo n°3). Une application plus tardive de glyphosate pour détruire les graminées levées après le broyage des couverts est réalisée dans les parcelles prévues en millet.

  • Entre le 15/03 et le 15/04 : période avec un cumul de près de 90mm qui empêchent définitivement de détruire mécaniquement les graminées repiquées. Une hausse des températures et un ressuyage des parcelles permettent d’ouvrir les parcelles prévues en millet autour du 10/04, et d’envisager les travaux de sols de préparation pour les semis de tournesol.
  • Entre le 20/04 et le 5/05 : période d’absence de pluie après les semis de tournesol qui se réalisent le 21/04. Les désherbages de prélevée du tournesol sont mis à rude épreuve, et les sols s’assèchent, ne permettant pas un semis de millet dans de bonnes conditions (présence de mottes en surface, sur un sol pas complètement ressuyé à partir de 8-10cm).
  • Entre le 05/05 et le 15/05 : période avec un cumul de plus de 50mm, qui active les herbicides de prélevées sur tournesol, et qui décale les semis de millet 10 jours plus tard au 22/05.

Les enseignements : la gestion des graminées adventices et de la reprise du sol est délicate dans ce contexte climatique d’épisodes pluvieux réguliers en sortie hiver. Néanmoins, les stratégies suivantes peuvent être mobilisées : sur les parcelles à forte pression adventices, travailler le sol dès que les conditions le permettent (pour déraciner les graminées et faciliter le ressuyage du sol), et profiter des épisodes de pluie qui font lever de nouvelles adventices, à détruire avant semis, pour réduire le stock de semences.

Les conditions printanières ne permettent pas de se passer de glyphosate avant de semer

L’ensemble de ces différentes séquences d’alternance de pluie n’ont pas permis de détruire mécaniquement les graminées présentes dans les futures parcelles de tournesol, à la fois celles qui ont repiqué à la suite de l’application du glyphosate en décembre 2022, mais également toutes les nouvelles levées qui se sont faites après le travail du sol de fin février. De plus, le maintien de l’humidité constante dans les sols argileux de la plateforme, exacerbé par le système racinaire des repiquages de ray-grass, risquait de limiter le ressuyage du sol et de créer des mottes de terre grasse lors de la préparation du semis de tournesol. Ces mottes auraient été compliquées à affiner, risquant de compromettre la qualité de l’implantation du tournesol, et donc de mettre à mal le potentiel de la culture. Pour ces deux raisons (semer dans un sol propre et ne pas compromettre la qualité d’implantation et de potentiel de la culture), il a donc été décidé d’utiliser le glyphosate pour détruire chimiquement l’ensemble des graminées présentes dans les parcelles des futurs tournesols : à la fois derrière les précédents orges, mais également derrière millet qui ont vu des vulpins lever à la sortie de l’hiver. Ainsi, conformément à la réglementation, en utilisant du glyphosate au printemps, il ne sera pas possible de l’utiliser à nouveau à l’automne pour semer en semis direct les céréales derrière la récolte des tournesols. Si les parcelles ne sont pas propres à la récolte, un travail du sol sera alors nécessaire, en espérant que les conditions climatiques automnales soient favorables à la destruction mécanique, avec le risque de créer de nouvelles germinations du stock semencier avant le semis des céréales.

Des conséquences différentes selon les précédents sur le salissement après la levée des tournesols

L’absence de pluie après les semis de tournesol n’a pas permis de faire fonctionner de manière optimale l’application du programme herbicide de prélevée (base Mercantor Gold + Dakota-P), pourtant appliqué sur un sol frais. Malgré un retour des pluies significatives près de 2 semaines après l’application, des ray-grass et des vulpins ont réussi à lever sur la dernière décade d’avril et la 1ère décade de mai, ayant un stade trop avancé pour voir les herbicides les détruire (cf. photo n°4).

Photo n°4 : levées de ray-grass dans les tournesols après les applications d’herbicides de prélevée.

Ainsi, au stade 4-6 feuilles du tournesol, certaines parcelles et certaines modalités se retrouvent avec des niveaux de densités différentes en graminées :

  • Tournesol système innovant sur orge d’hiver : entre 7 et 15 ray-grass/m²
  • Tournesol système témoin sur orge d’hiver : entre 3 et 10 vulpins/m²
  • Tournesol système innovant sur millet : absence de vulpin ou de ray-grass.

Afin de mieux comprendre ces niveaux d’infestations différents, il est intéressant de reprendre les notes d’évaluations du salissement des parcelles de ces modalités avant la récolte des précédents :

  • Orge d’hiver système innovant : entre 5 et 200 ray-grass/m²
  • Orge d’hiver système témoin : entre 20 et 500 vulpins/m²
  • Millet système innovant : absence de vulpin ou de ray-grass.

Ainsi, avec la difficulté de gestion des herbicides de prélevée, les infestations présentes à ce jour sont corrélées avec les niveaux de salissement avant la récolte des précédents. Le « faux semis » réalisé après l’ouverture des sols au printemps, cumulé à l’action efficace du glyphosate sur les populations de graminées, a tout de même permis de répondre au double objectif, à la fois de faire lever un maximum de plantes avant le semis, et de semer sur un sol propre. Un binage est envisagé avant la fermeture des rangs de tournesol, afin de détruire le plus de graminées possible et de limiter au maximum le renouvellement du stock semencier.

En conclusion, les difficultés liées au salissement des parcelles, et au climat hivernal et printanier, reflètent la réalité de la plaine dans un contexte de sol très argileux. Plusieurs enseignements sont à tirer, et mettent en avant les choix tactiques de plus en plus délicats pour concilier la gestion du salissement, du travail du sol et de la réglementation :

  • La gestion travail du sol devient un élément principal dont le climat peut avoir un impact positif ou négatif, pour de plus en plus de cultures, que ce soit le colza en période estivale, ou toutes les autres cultures d’hiver ou de printemps.
  • La gestion du glyphosate (utilisation ou non et respect de la réglementation) doit se raisonner en fonction de la situation, dans l’optique de sécuriser l’implantation de la culture suivante.  Par exemple, en présence de graminées développées et non détruites mécaniquement (car les conditions climatiques ne le permettaient pas), ne pas utiliser de glyphosate peut risquer d’impacter la réussite de l’implantation d’une culture, ainsi que la gestion des graminées en lien avec les conditions de travail du sol.
  • Le levier cultures de printemps est d’autant plus efficace sur la gestion des graminées qu’il est positionné en anticipant la pression du salissement dans les parcelles, et non en tant que « pompier » après des niveaux importants de densités dans les cultures précédentes. Ainsi, pour réussir à baisser le stock semencier durablement dans les parcelles, il est nécessaire d’éviter de générer de nouvelles levées difficilement contrôlables dans les cultures.

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